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Sortie des 1ères S au "Village de la chimie" - 14 mars 2014

Publication : (actualisé le ) par webmestre

Les élèves de 1ère S1 et S2 se sont rendus au village de la chimie le 14 mars 2014.

Ce rendez-vous annuel organisé par l’UIC (Union des Industries Chimiques) existe depuis plus de dix ans. Il regroupe de grands groupes industriels ainsi que des écoles, des professeurs, des conférenciers, et des spécialistes de l’orientation. En plus du grand nombre d’informations que les élèves ont pu recueillir pour leur avenir, des expériences et démonstrations leur étaient proposées.
Dans le cadre de leur visite au village de la Chimie 2014, les 52 élèves de 1ère S1 et S2 ont eu la chance de pouvoir assister à une conférence de Marc Fontecave. Professeur au Collège de France depuis 2008, il y occupe un poste dans le laboratoire de chimie des processus biologiques.

Ce scientifique a également fait partie de l’Institut de Physique du Globe de Paris, et de l’Académie des Sciences en 2005.
Selon M. Fontecave la clé pour un scientifique est d’être multiple : Lui-même s’est investi dans l’étude de l’interface existant entre chimie et biologie. Il faut embrasser un grand nombre de sous-disciplines ce qui est très exigeant.

Dans son livre le Tiers-Instruit, Michel Serres, philosophe et historien des sciences français, vient appuyer les propos du professeur. A propos d’une personne traversant un fleuve pour changer de rive il écrit : « Le corps qui traverse apprend certes un second monde, celui vers lequel il se dirige, où l’on parle une autre langue, mais il s’initie surtout à un troisième, par où il transite ».

Rester toujours du côté connu est trop simple pour Marc Fontecave qui incite tous les chimistes à essayer d’aller voir d’autres domaines scientifiques qui leur sont étrangers et parlent une autre « langue ».

En raison de l’accroissement prévu de la population mondiale dans les prochaines années, la chimie va jouer un rôle majeur dans différents domaines :
  La nourriture
  L’eau
  L’énergie
  Les ressources, notamment en matière de recyclage
  La santé
  L’environnement
  Le terrorisme (chimique et biologique)
  La toxicologie*
La clé est le lien entre la recherche fondamentale et théorique, dans les universités et la chimie appliquée et la fabrication en masse en entreprise. Si les deux pôles ne sont pas reliés, l’innovation ne peut parvenir au plus grand nombre.
De nombreuses personnes considèrent que la plus belle usine chimique est le monde vivant, à différents niveaux. Les propriétés du vivant sont un sujet d’inspiration, cependant la composition des éléments naturels est limitée par de nombreux facteurs comme la température, la pression, l’eau comme solvant unique etc.

La nature est basée sur les molécules d’H₂0, de CO₂ et des atomes de C, d’O, de N et d’H. La photosynthèse est un phénomène très répandu et qui a été étudié très tôt. Cette réaction transforme du CO₂ à de la biomasse*, des millions de molécules carbonées riches en énergie.
Pour donner un ordre de grandeur, le soleil produit chaque jour 100 000 TW d’énergie, les végétaux n’en convertissent que 100 TW. Les plantes ne réutilisent qu’1% de l’énergie du soleil, les microalgues ne dépassent jamais 4%. Si la chimie était capable de comprendre et d’imiter ce phénomène cela offrihrait une source d’énergie inépuisable.
Comme le montre ce graphique de Jean-Marie Lehn, chimiste supramoléculaire français, la chimie bioinspirée permet de diversifier le vivant. Cependant l’éthique impose ici des limites.

Copier simplement le vivant s’appelle le biomimétisme. La bioinspiration est plus riche car permet d’ « inventer » de nouveux matériaux qui n’existent pas dans la nature. Avant, le chimiste essayait de comprendre, avec l’aide des biologiste, un mécanisme naturel à l’échelle moléculaire et atomique.
La méthode à adopter face à une question est :
  Etudier la réponse du vivant
  Comprendre le système de réactions
  Reprodruire
La chimie s’est par exemple inspirée d’une enzyme, un catalyseur naturel, pour en créer une simplifié arrivant au même résultat. Il ne faut donc pas simpement s’inspirer de la nature, il faut reprendre les matériaux de la nature, comprendre le système et les réactions, puis créer ou utiliser d’autres éléments chimiques naturels ou non pour élargir les possibilités. La chimie bioinspirée va plus loin dans sa démarche que le biomimétisme.
Pendant longtemps l’Homme a rêvé de voler, et s’est inspiré de la nature, mais comme l’écrit Philippe Ball, auteur scientifique :
“A jumbo jet is not a scaled up pigeon”
Trad : un avion gros porteur n’est pas un pigeon agrandi

En 1870 Gustave Trouvé effectue un bond de 70m sans moteur, trente ans plus tard Clément Ader réalise un « vol » de 200m avec un petit propulseur. Ces démarches peu concluantes relevaient plus du biomimétisme. Pour arriver à voler l’Homme a dû penser autrement tout en s’inspirant de la nature.
Pour revenir à une question énergétique, l’humanité utilise 15 TW en une journée, soit 1 W/seconde. Un grille-pain utilise 1000 W, une centrale nucléaire 1 GW, un avion gros porteur 1 MW. Même si on exclue les déserts, on se rend compte qu’une grande partie de la Terre n’est pas éclairée, ce qui signifie qu’une quantité beaucoup trop importante d’êtres humains n’ont jamais accès à l’énergie.

D’ici à 2050 la consommation énergétique devrait être multipliée par 2. L’épuisement des énergies carbonées ou fossiles* comme le pétrole, prévue pour dans environ 100 ans, soulève des questions. Les limites qu’impliquent l’utilisation du gaz de schiste et de l’énergie nucléaire ouvrent des perspectives nouvelles en matière d’énergie et celle qui présente le plus de potentiel est l’énergie solaire.

Pour subvenir aux besoins énergétiques de la France il suffirait, selon le spécialiste, d’en recouvrir une partie relativement peu importante de panneaux solaires. L’énergie solaire est importante mais est très diluée et intermittente. L’un des deux défis que soulèvent cette nouvelle énergie est donc son stockage.

Il faut transformer l’énergie solaire en énergie chimique, une batterie, puis la restituer sous forme d’énergie électrique. La solution semble être l’hydrolise par photoélectrolisation de l’eau (ci-contre) qui créé du dihydrogène et de l’oxygène. Cette constatation confirme en partie les écrits de Jules Verne dans l’Île Mystérieuse :
« Un jour l’eau sera utilisée comme combustible, l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés solément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et d lumière inépuisable. »

Nous allons entrer dans le monde hydrogène. Le but du professeur et de créer une batterie capable de créer et de stocker de l’énergie. Celle-ci serait générée par une pile à combustible (PAC). Ce système repose sur l’électrolyse* de l’eau. Cette pile fonctionne selon le principe suivant : d’une part l’hydrogène s’oxyde au contact de l’oxygène, ce qui forme de H₂O, (eau), dans le même temps s’opère une réduction de l’oxygène, dégageant de la chaleur.

Une famille française moyenne consomme 6700 kWh/an soit 18 kWh/jour. Avec le concept évoqué précédemment O,5kg d’hydrogène et 2,3 L d’eau par jour accompagné de 55m² de panneaux solaires suffiraient à répondre aux besoins énergétiques (pour un pays pauvre 5m² suffisent).
Pour faire fonctionner de tels appareils il faut de l’oxygène et de l’hydrogène, qui est difficile à trouver pur dans la nature. De plus, dans la nature, il s’agit d’une réaction lente qui nécessite un catalyseur, ou accélérateur. Les premiers modèles mis au point nécessitent comme catalyseur des métaux très nobles, comme le platine, qui seraient rapidement épuisés, si la pile était produite à grande échelle. Il faudrait donc utiliser des métaux de transition comme le fer, le cobalt ou le nickel, moins nobles et plus abondants.
La pile à combustible nécessite de l’hydrogène pur, qui peut être obtenu de différentes manières. Les deux plus fréquentes sont le gaz naturel et le méthanol. Ces deux combustibles fossiles ne sont pas compatibles avec une démarche durable et non polluante.

Ici commencent les travaux du professeur qui s’est mis à étudier l’hydrogénase, isolement de l’atome d’hydrogène, pour en comprendre tous les ressors, puis essayer de la copier. L’hydrogénase est la synthèse d’hydrogène lors de la photosynthèse, lorsqu’il y a gazéification de la biomasse. Pour reproduire la réaction aboutissant à ce dégagement il a commencé par concevoir un nanocatalyseur en nickel, y a ajouté de l’azote et une base moléculaire carbonée associée à un cluster fer soufre, qui permet de conduire les électrons.

Aidé de Vincent Artero, ils en ont créé un fonctionnant plus de 100 000 cycles, stable et compatible aux batteries existantes et qui ne coûtait que 20€/kg, soit mille fois moins que le platine. Cependant la densité du courant reste plus faible qu’en utilisant ce matériau.

Le biomimétisme a également montré ses limites, avec la création du professeur japonais Tatsumi en 2005. Il avait essayé de rester très proche de la nature mais son enzyme était inactive. La photosynthèse artificielle n’a pas encore dévoilé toutes ses capacités. La maison hydrogène imaginée par le professeur ne verra pas le jour avant quelques années.
M. Fontecave espère que nous avons compris sa démarche : l’analyse du vivant demande un investissement énorme, son parcours personnel le prouve et invite à dépasser sa discipline. La science de demain jouera sur l’interface entre plusieurs domaines pour être encore plus innovante.
NASA « Be greater than average »
Trad : "soyez meilleurs que la moyenne"

Pour en savoir plus sur les différences entre bioinspiration et biomimétisme et pour en découvrir des exemples insolites :
http://www.encyclo-ecolo.com/Biomim%C3%A9tisme

Découvrez également ce concept inédit du Chemical World Tour (CWT) qui permet de découvrir des notions de sciences de manière ludique, et vous permettra peut-être plus tard de partir en voyage autour du monde !
http://www.chemicalworldtour.fr/

L’académie des sciences a son site Internet et sur la page suivante vous retrouverez une émission à laquelle a participé Marc Fontecave.
http://www.canalacademie.com/ida2903-Hydrogene-energie-du-futur.html

Site du village de la chimie où vous pourrez retrouver la présentation de cet évènement, ainsi que la liste des participants.
http://www.villagedelachimie.org/index.htm

Quelques définitions :
Biomasse :
La biomasse est l’ensemble de la matière organique d’origine végétale ou animale.
Les principales formes de l’énergie de biomasse sont : les biocarburants pour le transport (produits essentiellement à partir de céréales, de sucre, d’oléagineux et d’huiles usagées) ; le chauffage domestique (alimenté au bois) ; et la combustion de bois et de déchets dans des centrales produisant de l’électricité, de la chaleur ou les deux.

Electrolyse :
Décomposition chimique de certaines substances sous l’effet d’un courant électrique.

Energies fossiles :
• l’uranium 235 (235U), utilisé par les réacteurs nucléaires, s’est formé lors des supernovæ qui ont précédé la formation du Système solaire ;
• pétrole, gaz naturel et charbon sont issus de la lente transformation de résidus d’organismes (plancton, végétaux) morts voilà des millions d’années.
Combustibles fossiles et hydrocarbures sont présents en quantités finies. Les réserves de ces énergies s’épuisent donc au fur et à mesure de leur exploitation, contrairement aux énergies renouvelables.

Toxicologie :
La toxicologie est l’étude des substances toxiques et des poisons. Cette science très ancienne s’intéresse aux sources et aux modes de contamination, aux effets des toxines sur les organes et les organismes et au moyen de détecter et de lutter contre ces effets.
La toxicologie est aussi en charge de la démonstration et de la caractérisation de la toxicité ou de l’innocuité des molécules avant leur utilisation et leur commercialisation. Ceci concerne aussi bien les médicaments que les produits cosmétiques, alimentaires et les autres produits chimiques (phytosanitaires, peintures, solvants…).

Isabelle, 1ère S1