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Intervention de Jean-Pierre Arbon et Claudine Plas-Arbon

Publication : par webmestre

 

Intervention autour de La Fontaine et de Boris Vian

Une classe de seconde du lycée Maurice Eliot, un petit lycée situé dans l’Essonne au sud de l’Ile de France a accueilli par le biais d’un comité de cette classe composé d’Anifa, Calix-Loan, Pascaline et Lisa, le mardi 26 mars 2013, Jean-Pierre Arbon et sa femme Claudine Plas-Arbon.

Jean-Pierre Arbon, un fanatique de La Fontaine et artiste, travaille en ce moment sur un spectacle qui met en relation les chansons de Brassens avec les fables de La Fontaine. Il travaillait avant comme directeur d’une maison d’édition.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Claudine Plas-Arbon, est l’auteur de Boris Vian à 20 ans de la collection « à 20 ans » aux éditions Le diable Vauvert. Elle a travaillé dans les médias, dans l’édition et dans la production de spectacles.

 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 Les élèves de cette classe dynamique et pleine de vie dont Ornelle, Audrey, Ketsia, Isabelle, Lewis, Brahim et Benjamin font partis, ont exposé leur idée de participer à un concours de récitation autour de La Fontaine. Ils ont ensuite expliqué leurs choix de fables. Certains aiment le message, le sujet et d’autres la morale. Les élèves désirent participer au concours et réciter leur fable et ont reçu de très bons conseils de la part de Jean-Pierre Arbon. Celui-ci a d’ailleurs confié avoir beaucoup apprécié cet échange enrichissant.

 
 

Fables

Dans le cadre du concours de récitation organisé par la BnF, 7 élèves de la classe ont appris des fables de La Fontaine par cœur et les ont récitées devant leurs camarades et les intervenants.


Ornelle :

Le Mari, La Femme et le Voleur

L’Amour et la Folie

Audrey :

Le Loup, le Renard et le Cheval

Le Lion, le Loup et le Cheval

Ketsia :

La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf

La Cigale et la Fourmi

Isabelle :

Les Femmes et le Secret

La Femme noyée

Lewis :

L’Amour et la Folie

Les deux Amis

Brahim :

La Montagne qui accouche d’une souris

Le lion abattu par l’homme

Benjamin :

La Mort et le Mourant

La Mort et le Malheureux

 

Résultats annoncés par Arbon :

« Le choix a été difficile et je tiens à féliciter tous les élèves qui ont récité. Vous avez tous des qualités complémentaires et j’espère que les élèves sélectionnés sauront les exploiter. Il y avait beaucoup de justesse dans la récitation. Les qualités présentent chez les élèves sont la diction, la comédie, le choix des fables, la présence et l’utilisation des regards... Les élèves ont une belle palette de qualités. Nous avons eu un grand plaisir à les écouter et le choix a été difficile. »

Les élèves élus sont Ketsia, Isabelle et Benjamin.

 

Boris Vian et L’Ecume des Jours  

A la suite d’une courte pause, l’intervention s’est poursuivie sur l’autre thème Boris Vian et l’Ecume des Jours. Des élèves ont lu des extraits du livre de Claudine Plas conseillés par celle-ci. D’autres élèves lui ont ensuite posé des questions qu’ils avaient préparées.

 Lisa : Pourquoi avoir décidé d’écrire une biographie de Boris Vian ?

 

A l’origine, j’aime l’auteur. En tant qu’éditrice, je connaissais ses chansons et son talent. Il a beaucoup écrit ; plus de 10 000 pages entre ses 20 ans et ses 39 ans, âge de sa mort. Et comme tout écrivain, il aimait lire et avait beaucoup lu. Quand j’ai commencé mon livre, je suis tombée sur une phrase de Boris Vian dans les critiques de Jazz :« on ne comprend pas une oeuvre, on comprend l’homme qui l’a faite ». Je l’ai mise en exergue dans mon manuscrit. 

Anifa : Quelles sont les sources à utiliser pour écrire une biographie ?

 

Il s’agit de connaître l’œuvre et l’artiste, la correspondance, les archives, les biographies de référence, les dernières biographies qui peuvent contenir des informations récentes, ainsi que les journaux intimes fort en émotions, autobiographiques.

Par exemple : Boris Vian a écrit des notes mais ses descendants n’ont pas autorisé leur publication, seuls quelques extraits ont été publiés.

On peut aussi mener une enquête auprès des gens qui ont connu l’écrivain, amis, famille, relations, rencontrer des experts de l’oeuvre et des biographes, aller sur les lieux de vie, suivre les traces de son personnage. On peut lire les lettres, la correspondance privée ou publique (si elles existent). Enfin, il y a les oeuvres contextuelles qui sont importantes pour situer le personnage dans son époque et rendre le récit vivant. Pour écrire « Boris Vian à 20 ans », je me suis plongée dans les années 30 et 40, l’exode, les archives de la vie des Français sous l’Occupation et celle de la vie littéraire, les journaux, les mémoires de contemporains de Boris... Il a fallu ensuite choisir un « angle d’attaque » : Boris Vian a eu 20 ans au début de la deuxième guerre mondiale. Il ne cessera de répéter sa vie durant comme un leitmotiv :« j’avais 20 ans en 1940 » ; ce qui montre bien l’importance qu’a eu cet événement et le sentiment qu’il a éprouvé de subir cette guerre. Il ne faut pas oublier qu’il est l’auteur du Déserteur, c’est intéressant de savoir quel a été son parcours et ce qui justifie la création de cette chanson.

Il existe plusieurs genres de biographies, les essais théoriques universitaires, les biographies anglo-saxonnes qui sont très exhaustives. Les biographies françaises ou littéraires choisissent un angle et donnent un éclairage particulier sur le personnage (sa psychologie, son milieu et son époque). La collection « A 20 ans » de la maison d’édition « Au diable Vauvert » propose des livres sur la jeunesse d’hommes ou de femmes célèbres à 20 ans ; c’est une clé pour découvrir et comprendre la naissance de leur talent.

  Calix : Combien de temps avez-vous passé sur votre biographie ? Quelles en ont été les étapes ?

 

 J’ai commencé avant l’été 2008 et je voulais être prête pour juin 2009, il y avait la commémoration des cinquante ans de la mort de Boris Vian. J’ai donc mis environ un an. Un peu plus cependant car je voulais rencontrer Michelle Vian, la première femme de Boris ; je voulais absolument avoir son témoignage avant de rendre mon manuscrit définitif et cela a pris un peu de temps car elle était souffrante. 

 Anifa : N’est-ce pas difficile de raconter la vie de quelqu’un que l’on n’a pas connu ?

 Même quand il s’agit de raconter la vie de quelqu’un qu’on a connu c’est difficile car on se montre souvent subjectif. Quand on n’a pas connu la personne, on est obligé de mener une enquête, on est immergé dans le sujet et les sentiments ne sont pas trop présents du moins au début.

Boris Vian n’est pas un artiste comme les autres. C’est un écrivain, musicien de jazz, auteur de chanson, de textes de théâtre, de peintures et de films... Toutes ces formes artistiques auxquelles il s’est essayé révèlent sa sensibilité et ses multiples facettes. J’ai rencontré Vian d’une certaine manière grâce à son œuvre, qui est beaucoup plus importante que tout ce qui a pu être écrit sur lui.

Je me suis imprégnée de son univers en allant visiter tous les lieux où il avait vécu et notamment son appartement de Montmartre qui est maintenant le siège de Fondaction, mais aussi les Fauvettes à Ville d’Avray, Landemer en Normandie. Je me suis intéressée à toutes ses passions et j’ai pu recueillir le témoignage de plusieurs personnes qui l’ont connu.

Alors que je finissais mon livre une nuit, une image m’est apparue : la silhouette de Boris en ombre chinoise sur un mur, il était de profil avec sa trompette. C’était une scène formidable pour conclure mon livre qui se terminait sur l’assassinat de son père. Boris disait adieu aux Fauvettes ; j’avais lu qu’avant de quitter définitivement les lieux de son enfance, il s’était isolé dans une cabane de leur propriété pour jouer un dernier solo de saxophone. Mon flash racontait tout ça... Par la suite la directrice de la Fondaction m’a montrée une photo saisissante de ressemblance avec la scène que j’avais décrite dans mon manuscrit. La véracité du solo de jazz suite à la mort de Paul Vian n’est pas absolument certaine. Dans une bibliographie littéraire, si un fait est possible et que plusieurs sources tendent à le confirmer, alors l’auteur pourra s’en servir dans son récit ; à l’inverse, dans une biographie universitaire si une information n’est pas démontrée, elle n’est pas publiée.

J’ai pris cinquante pages de notes lors de mes entretiens avec Michelle Vian, qui m’ont permis d’étayer la personnalité complexe de Boris mais je ne pouvais pas toutes les mettre dans mon livre. L’auteur doit se créer sa propre vision de la personne dont il fait la biographie, je ne pouvais pas raconter quel était « le Boris Vian de Michelle ».

 Mme Rollin : La mort de son père l’a beaucoup marquée, de manière générale quelle a été l’importance de ses expériences personnelles dans son œuvre ?

 Michelle sa première femme a dit de lui « Sa vie était un roman il a mis ses romans dans sa vie » et Henri Salvador disait que « ses histoires étaient toujours des fin d’histoires heureuses ». Boris Vian était habité par son œuvre et il pensait que la vie est une alternance entre épisodes heureux et d’autres infiniment tristes. Pour comprendre il faut savoir qui il est. Boris Vian naît dans une famille aisée bourgeoise plutôt libérale, malgré une mère très autoritaire. Boris était atteint d’une maladie cardiaque et souffrait d’une santé fragile depuis sa petite enfance. Les livres lui ont offert des mondes pour s’évader..

 Le véritable bouleversement dans sa vie est en 1929 : le krach boursier ruine son père et la famille est obligée de louer son hôtel particulier pour aller habiter dans la maison plus modeste du jardinier. La philosophie de Boris Vian reposait sur cette force qu’à la vie car « malgré les difficultés on s’en sort toujours ».

 Cette alternance entre enchantement et désenchantement se retrouve dans ses romans ; par exemple dans l’Ecume des Jours, la vie commence bien mais la maladie entraîne une diminution de la taille de l’appartement, les personnages sont cependant poursuivis par un sentiment de vie plus fort, une pulsion de vie qui les poursuit. Autre procédé caractéristique, Boris Vian ajoute souvent un ami ou un jumeau à côté de son personnage principal qui permet au lecteur d’avoir une vision double. Dans l’Ecume des Jours c’est Chick avec Colin, Alise avec Chloé etc. Ce dédoublement est un trait remarquable ; plus tard, on verra Boris Vian se faire prendre en photo devant son propre portrait. Son écriture traduit ce goût du jeu et du paradoxe, il mêlait indistinctement la poésie, l’argot, l’imaginaire, l’absurde, l’humour et les jeux de langage.

Lewis : Mais pourquoi ce titre l’Ecume des Jours ?

 Les jours représenteraient le réel et l’écume ce qu’il en reste ou ce qui flotte au dessus comme l’écume des vagues. Cela signifierait que le livre est une représentation de ce qui est autour de ce qu’on voit.

 Cependant Boris Vian se défendait en disant que les titres ne doivent pas refléter ce qu’ils contiennent. Il était un adepte de la pataphysique, ce n’était pas un courant philosophique c’était seulement des artistes qui cherchaient des solutions imaginaires aux problèmes, un regard loufoque et décalé sur le monde.

 Les chefs-d’œuvre de Boris Vian sont poétiques et différents des autres, au XXème siècle c’est un véritable renouveau du roman amoureux tout y est autorisé c’est la raison de son succès.

 Vian était graphomane il écrivait énormément sur un très court laps de temps, et quand les critiques dévalorisaient son œuvre il leur répondait « Tout a été dit cent fois, et beaucoup mieux que moi, aussi quand j’écris ces vers c’est que ça m’amuse, c’est que ça m’amuse et je vous chie au nez ».

Pascaline : Quels sont vos projets ?

 On m’a proposé d’écrire une biographie de John Fitzgerald Kennedy mais les délais étaient trop courts pour que je puisse m’imprégner du sujet, lire toutes les sources et faire des recherches aux Etats-Unis. Mon nouveau projet d’écriture racontera les destins croisés de trois égéries au début du XXème siècle.

 De manière générale, j’ai besoin de temps. Pour écrire une bonne biographie, il faut du temps. Stefan Zweig a mis dix ans à écrire sa biographie de Balzac mais n’a eu besoin que de six mois pour signer son autobiographie.

 Propos recueillis par les élèves de la classe et retranscrits sous forme d’article pour le site par Isabelle.